La société s’écroule, un nouveau monde émerge

La société s’écroule, un nouveau monde émerge

C’est la thèse de l’économiste Nicolas Bouzou, qui vient de publier « L’innovation sauvera le monde ». Pour lui, toute la société est en train de s’écrouler- le chômage, l’économie rouillée, le dérèglement climatique … – et ce à cause de l’avènement d’un monde nouveau. Ce que nous vivons actuellement est à la fois fascinant et angoissant. Et pour supporter le temps nécessaire à la transition vers le « nouveau monde », soit on prône un retour « au monde d’avant », soit on parie sur l’innovation.
L’innovation entraine une mutation du travail, et non sa fin

Contrairement à l’économiste Jeremy Rifkin, Nicolas Bouzou pense que les progrès technologiques ne sont pas synonymes de sortie du système capitaliste et de fin du travail. Bien au contraire. L’émergence de l’économie du partage, qui permet par exemple à des particuliers de de se louer des logements ou des voitures, est source de rendements financiers, ce qui est donc le stade ultime du capitalisme. Et côté emploi, plus on investit dans les nouvelles technologies, plus on a besoin d’investir dans les compétences humaines. Selon le principe Schumpétérien de la destruction créatrice, de nouveaux métiers vont donc émerger. Avec l’aide des politiques publiques qui vont devoir réorienter leurs programmes et massivement financer des programmes de formation, le travail humain a un magnifique avenir devant lui. Par ailleurs, bien que de nombreuses tâches humaines soient en train d’être remplacées par des robots, comme par exemple la chirurgie robotisée, on aura toujours besoin du réconfort humain apporté par les infirmier(e)s, auquel les robots ne pourront pas se substituer. On assiste donc à une mutation du travail, et non à sa fin.

L’innovation entrainera la croissance de la productivité

Nicolas Bouzou n’est pas non plus d’accord avec l’économiste Robert Gordon qui, observant que les innovations n’ont pas d’impact positif sur les chiffres de l’économie, prédit une longue stagnation à venir de la productivité. Car l’innovation a toujours mis beaucoup de temps à générer de la croissance. Si elle avance rapidement dans le domaine des nouvelles technologies, elle met par contre beaucoup de temps dans le domaine des organisations. Par exemple, dans les hôpitaux, les robots vont permettre de réaliser davantage de chirurgie déambulatoire, c’est-à-dire que les hospitalisés pourront rentrer chez eux le jour même. Hors, aujourd’hui, un hôpital c’est essentiellement des chambres. Et s’il se transforme en un établissement où on ne dort pas, l’hôpital pourra faire d’énormes économies, et ainsi se concentrer sur la qualité des soins, sur la recherche, etc. Pour les patients qui ont besoin de rester plusieurs jours, l’hôpital pourra signer des partenariats avec des hôtels de proximité.
La technologie est là, mais la transformation de l’organisation des entreprises et établissements publics pourra prendre encore des années, et c’est la raison pour laquelle on ne voit pas encore ses effets sur les chiffres de la productivité.

Pourquoi la résistance à l’innovation ?

Car, toujours pour Nicolas Bouzou, pour entrer dans le nouveau monde, il faut passer par une période de transition pénible et contraignante. Et c’est là que les intellectuels ont un rôle majeur à jouer, celui de convaincre que demain, il faudra faire des sacrifices afin de parvenir au monde d’après-demain, qui sera bien mieux que celui d’aujourd’hui. Il faut donc un projet de société, des perspectives convaincantes. Par exemple, après demain on pourra guérir de maladies pour lesquelles n’existent aujourd’hui pas de solutions thérapeutiques.

L’auteur conclut que la technologie est un flux puissant, irréversible, qu’il est impossible d’arrêter, et qu’il est donc urgent de construire un discours qui permette de mieux supporter le présent, pour aller vers un nouveau monde, meilleur.