On associe souvent les smart cities, ou villes intelligentes, à des objets connectés (le bus, le panneau, le trottoir connecté), mais ces technologies servent des objectifs précis : améliorer la qualité de la vie des habitants, de l’aménagement urbain, optimiser les consommations d’énergies.
Pourquoi ?
Parce qu’aujourd’hui les villes ne sont plus équipées pour accueillir tout le monde, et il faut trouver des solutions pour y remédier. En France, selon l’observatoire des sociétés, presque 80 % de de la population vit dans des villes (contre 53 % en 1946), et selon le dernier recensement de l’Insee, les communes moyennes accueillent de plus en plus d’habitants (entre 2009 et 2014 :
+ 1,5 % pour Montpellier, + 1,2 % pour Toulouse et + 1,1 % pour Lyon). Une des solutions, c’est la ville intelligente.
Les villes intelligentes en France
Il n’y a pas un modèle type de la ville intelligente, chaque ville a des enjeux et territoires différents, et une maturité technologique inégale. Quelques exemples d’initiatives en France : la ville de Nice, qui a calculé que 25% du trafic en centre-ville était lié à des automobilistes à la recherche d’un stationnement, a installé 1000 capteurs dans son centre-ville pour développer une infrastructure de stationnement intelligent. Dans la ville de Toulouse, ERDF a mis en place Sogrid, un réseau électrique intelligent test, pour suivre instantanément la consommation d’électricité sur le réseau, le piloter, ajuster au plus près offre et demande, et favoriser la production d’énergies durables. La Mairie de Paris mène un projet de réaménagement de 7 grandes places parisiennes, afin de donner moins de place à la voiture qui sature l’espace, et de redéfinir l’espace accordé aux piétons, au mobilier urbain et aux espaces verts. Par exemple, de nombreux capteurs ont été installés Place de la Nation afin de collecter des données qui permettront de mieux comprendre l’utilisation de l’espace public, et ainsi d’optimiser le réaménagement de la place.
La ville n’est pas un algorithme
Pour Carlos Moreno, Président du Forum International de la Smart City Humaine, l’intelligence de la ville c’est l’intelligence de ses citoyens. Avec « l’ubiquité technologique » à la portée des citoyens – c’est-à-dire la capacité à bénéficier d’une connexion et d’un accès à des services intelligents où que l’on se trouve – on assiste à une révolution numérique où tout objet connecté a potentiellement un usage social. La problématique des villes aujourd’hui n’est plus technologique, car de ce point de vue, les solutions existent et sont prêtes. Mais pour trouver la meilleure manière de développer de nouveaux projets urbains, c’est au politique de trouver le bon axe directeur, la bonne gouvernance.
Et pour trouver la bonne gouvernance, la ville intelligente doit inclure les citoyens dans les décisions, avec la démocratie participative. Mais avec la technicité croissante des technologies, le risque est d’exclure bon nombre de personnes de la ville intelligente. Les villes doivent donc assurer à tout le monde de pouvoir prendre part aux projets d’urbanisation de plus en plus complexes. Car la technologie n’est pas une fin en soi, la ville n’est pas un algorithme, c’est un lieu de vie, et la smart city doit être l’expression de la démocratie la plus participative possible.
La smart city exclut « les pauvres »
C’est l’alerte que lance le collectif Ouishare, « accélérateur d’idées et de projets dédié à l’émergence de la société collaborative », qui vient récemment d’organiser un évènement intitulé « La Smart City n’aime pas les pauvres ». Car pour elle, la smart city est une opportunité de profit pour les fournisseurs technologiques (Cisco, IBM, Microsoft, etc.). Et qui dit profit dit coût pour les municipalités, qui se traduisent en impôts pour les administrés. Les « pauvres » n’auront donc pas les moyens de payer ces impôts, et seront exclus de la ville intelligente. L’association prône alors plutôt le développement de villes intelligentes via la méthode de l’économie collaborative, qui est responsable, solidaire et écologique. Elle propose par exemple d’évoluer vers une ville zéro déchet plutôt que d’équiper les poubelles de capteurs qui permettent d’optimiser les trajets des camions d’éboueurs. Elle est aussi active en matière de démocratie populaire, avec par exemple son projet expérimental Les Grands Voisins, qui a transformé l’ancien hôpital Saint Vincent de Paul en un lieu d’un genre nouveau, avec des activités pédagogiques, culturelles et sportives, ouvertes aux résidents, aux riverains et aux touristes.
La solution idéale se trouve peut-être dans un compromis : utiliser les nouvelles technologies pour construire une société où les décisions ne sont pas prises par des algorithmes et où tout n’est pas automatisé. Comme la ville de Loos-en-Gohelle, dans le Pas de Calais, qui, pour soutenir sa transition vers une nouveau modèle de développement durable, utilise les nouvelles technologies pour fournir des informations aux habitants, leur permettant ainsi de prendre des décisions de manière collaborative. En résumé, une ville intelligente, qui utilise la technologie pour distribuer le savoir, et instaurer une intelligence collective et participative.