Aujourd’hui la masse d’informations disponibles est si importante que si on la répartissait entre tous les humains, chacun en recevrait trois cent vingt fois la collection de la bibliothèque d’Alexandrie. C’est-à-dire mille deux cent exaoctets en tout (milliards de milliards d’octets). Ce gisement de données numériques vient de la capacité de mettre en données des aspects du monde et de la vie humaine qui n’avaient encore jamais été quantifiés.
La notion d’infobésité, c’est-à-dire la surcharge informationnelle, n’est pas nouvelle, elle a fait son apparition dès le début des années 1960 comme l’une des sources de dysfonctionnement des organisations, mais les notions qu’elle recouvre ont évolué…
Ca serait Google le premier, qui, avec une intuition de départ : collectons toutes les données collectables et nous verrons ensuite quoi en faire, aurait donné une nouvelle impulsion à la datafication (la mise en donnée) de tout. On pense par exemple à la numérisation des livres, « Google livres » qui est aujourd’hui la plus grande base de donnée textuelle au monde, et a marqué le secteur de l’édition et façonné le paysage du livre numérique. Cela a été rendu possible bien sûr par la montée en puissance des microprocesseurs et de la mémoire informatique qui ont permit de stocker des données toujours plus nombreuses.
Cette infobésité amène de profonds changements dans notre approche des données. D’abord on recueille et utilise le plus grand nombre d’informations possible plutôt que d’opérer un tri sélectif comme le faisaient les statisticiens jusqu’à aujourd’hui. Ensuite, on a réalisé que mélanger des données innombrables et de qualité inégale s’avère plus efficace que d’exploiter un petit échantillon, même très pertinent. Enfin, l’exploitation et l’analyse de ces données crée des corrélations et prédictions mais n’identifie pas les causes. L’objectif n’est plus de comprendre les choses mais de les prédire pour obtenir une efficacité maximale. C’est l’irrépressible désir humain d’appréhender et de quantifier le monde.
Mais alors, cette abondance d’informations, est ce que c’est encore un concept marketing qui souhaite vendre de l’existant sous un nouveau nom ou une opportunité d’innovation et de progrès ?
Certaines entreprises ont mis à profit cette tendance à collecter pléthore d’informations.
Par exemple, UPS, la plus grande entreprise mondiale de livraison, à installé des capteurs sur certaines pièces de ses véhicules pour identifier leur future usure et besoin de remplacement. Les données recueillies n’identifient pas les sources des problèmes mais indiquent les pièces à changer pour prévenir des incidents coûteux.
Au Canada, des chercheurs ont mit au point un moyen de localiser les infections chez les bébés prématurés avant que les symptômes visibles n’apparaissent.
Ou encore, une idée plus folle: l’étude de M. Shigeomi, professeur à l’institut avancé de technologie industrielle de Tokyo. – Big Data: A Revolution That Will Transform How We Live, Work, and Think – il étudie la manière dont ll’Homme se tient assis. Sa posture, ses contours et la distribution de sa masse corporelle constituent des informations quantifiables et analysables, grâce à des capteurs placés sur un siège automobile. Les résultats permettent d’identifier une personne avec une précision de 98%. On pourrait se demander en quoi l’analyse d’une paire de fesses peut être utile… et pourtant, les applications en vue sont des affaires prometteuses : création de systèmes antivol pour l’industrie automobile, ou encore de systèmes d’alertes ou de freinage lorsqu’un conducteur s’assoupit au volant.
Il est donc possible de transformer l’information qu’un objet (ou personne) contient pour créer une nouvelle forme de valeur.
Par exemple, IBM a créé un système de revêtement de sol équipé de capteurs. La mise en données du sol pourrait permettre de déclencher l’allumage de la lumière, identifier un visiteur, sonner l’alarme lorsqu’une personne chute et ne se relève pas etc.
Avec la collecte de toutes ces données à priori inutiles, toute activité humaine devient enregistrable et exploitable, c’est une source inépuisable de création de futurs outils qui répondront de mieux en mieux à nos besoins. L’infobésité n’est donc pas une arnaque si on sait exploiter les données collectées de manière utile et innovante. Le tout est de réussir de passer de la donnée à l’information, grâce aux nouveaux et puissants outils techniques, et aussi et surtout au fait d’avoir une stratégie permettant de formuler des besoins précis, et des statisticiens capables de faire le lien entre les deux. C’est là qu’on évitera le Big piège de collecter de l’information sans objectif et que l’on créera du Big Business.