Depuis le début des années 1990 internet a élargi sa couverture sans relâche. En 1997, 2% de la population était connectée, et 4 milliards d’individus en 2014. Il reste encore 3,2 milliards de personnes qui ne sont pas connectées, la plupart dans le monde en développement, où seulement 32% ont accès à internet, contre 78% dans les pays riches. Cette situation pourrait changer, avec 4 entreprises qui se sont fixés le plan ambitieux de fournir des connections de haute qualité à presque toute la population mondiale. Google rêve de lancer des ballons d’hélium tout autour du globe, le plan de Facebook nécessite de réunir une flotte d’engins volants alimentés en énergie solaire, autrement appelés drones ; SpaceX, une entreprise de fusées, et OneWeb, une start up de Floride, veulent s’équiper de satellites bon marché, volant à basse altitude.
Un satellite peut voir (et être vu) de grandes zones du globe, et en théorie peut fournir des données à des millions de personnes. Les services internet des satellites sont déjà largement disponibles, mais leurs prix sont élevés, la bande passante limitée, et les capacités de volumes faibles. Beaucoup de satellites existants sont sur orbites géostationnaires, parfois à 36000 km au-dessus d’un point fixe à la surface de la terre. A cette distance la force des signaux radio s’affaiblit rapidement, ce qui nécessite des transmetteurs puissants et de bonnes alimentations en énergie pour les contacter. L’autre point faible est la latence, c’est-à-dire le délai des signaux. Bien que seulement une demie seconde soit nécessaire pour qu’une requête de page web soit transmise du sol au satellite puis de nouveau vers le sol, c’est seulement un dixième de la vitesse d’une connexion câblée.
OneWeb prévoit de lancer 648 petits et relativement simples satellites à des orbites de 1200 Km, ce qui fournira des latences égales à celles offertes par les connexions de lignes fixes, et nécessite des antennes au sol beaucoup moins puissantes. L’entreprise proposera ses services aux compagnies aériennes et militaires, les services d’urgences, les organisations se secours, et prévoit aussi de cibler des utilisateurs individuels via des partenariats avec des opérateurs télécoms locaux. Un satellite pourra fournir une connexion à des dizaines de villages et OneWeb espère que les opérateurs locaux pourront construire des antennes ou des stations internet dans les écoles et les villages. Dans les zones les plus reculées, les antennes pourraient être alimentées par des panneaux solaires.
SpaceX, détenue par le milliardaire Elon Musk, aussi co-fondateur de PayPal et propriétaire de Tesla (voitures électriques), souhaite développer un plan presque similaire. Ses satellites orbiteraient à la même altitude mais seront un peu plus sophistiqués que ceux de OneWeb. En plus de fournir des connections internet, ces connections seront plus rapides. SpaceX utilisera la lumière, qui voyage 40% plus vite dans l’espace que dans un câble de fibre optique, ce qui sera une valeur ajoutée pour les transmissions d’informations qui doivent aller vite, comme les transactions financières.
Le directeur de l’ingénierie de Facebook Connectivity Lab Yael Maguire, pense d’une part que les satellites sont intrinsèquement inefficaces. Puisque la planète est composée à 70% d’océans, les satellites passeront une grande partie de leur temps à survoler des espaces ou personne ne vit. D’autre part, il affirme que même dans les pays les moins couverts existent déjà des connections rudimentaires, et que 85% de la population mondiale a au moins accès à un réseau de téléphone mobile de deuxième génération.
Donc au lieu d’essayer de fournir une couverture globale, Facebook préfère combler des failles dans l’infrastructure existante. Malgré ses doutes concernant les satellites, c’est tout de même une de ses pistes d’investigation. Il envisage aussi créer des partenariats avec des opérateurs mobiles dans les pays pauvres afin de fournir des accès basiques à quelques sites gratuits de son Internet.org.app.
Et le projet le plus ambitieux de Facebook, est de lancer des drones alimentés en énergie solaire, qui voleront à environ 20km d’altitude – ce qui est supérieur au niveau pratiqué dans la navigation aérienne commerciale – pour fournir une connexion internet aux utilisateurs au sol. Ces drones pourront communiquer entre eux avec des lasers, pour se relayer des données jusqu’à ce qu’elles puissent être envoyées à une station au sol. L’entreprise a déjà fait des tests en Angleterre, où ses drones sont construits par l’entreprise Ascenta, rachetée par Facebook pour 20 millions de dollars en 2014.
Google a aussi expérimenté les drones, et son idée, est peut-être la plus simple de toutes. Elle a été baptisée « Project Loon » (loon = dingue), car jugée au début une idée folle. Le plan est de quadriller la planète de milliers de ballons d’hélium, chacun portant un transmetteur sans fil alimenté en énergie solaire, et comme les drones de Facebook, ils pourront relayer leur trafic entre eux. Les ballons seront utilisés comme des stations volantes, capable de communiquer directement avec les appareils mobiles au sol. En 2014, le record d’un vol était de 50 jours, et les derniers modèles de Google sont capables de rester en l’air pendant six mois. Les ballons auront la capacité de changer d’altitude pour éviter les vents contraires, et grâce à des données provenant de 30 ans de mesures, ils pourront calculer eux même la puissance du vent pour faciliter le système de gestion qui les dirigera autour du monde. Google envisage de ne laisser aucun trou dans la couverture internet mondiale. Il a aussi promis de partager ces données climatologiques avec les climatologues et météorologistes.
Pour tous ces projets la conformité aux réglementations sera cruciale : que ce soient pour les réglementations sur l’usage de drones, la capacité de récupérer les ballons, de prévenir les crashs, ou encore pour recycler les satellites. Certains s’inquiètent aussi du phénomène de « verrouillage » de clients, comme Facebook qui fournirait une connexion à quelques sites seulement, dont le sien.
Les quatre entreprises sont optimistes sur leur capacité à distribuer internet à toute la planète. Toutes affirment que les opérateurs télécoms des pays pauvres sont enthousiastes.
SpaceX affirme que ses satellites seront prêts dans cinq ans, OneWeb en 2019, Facebook ne précise pas de date autre que « prochainement », et Google envisage des essais commerciaux l’année prochaine.
Nous nous approchons peut être de la réalité du village global…