Certains chercheurs se demandent si l’on n’accorderait pas trop d’importance aux figures emblématiques que sont Steve Jobs, Bill Gates, Elon Musk ou encore Larry Page. Tous ces visionnaires ont lancé des évolutions voire des révolutions qui ont entrainé des changements majeurs de la vie quotidienne, de manière « disruptive ». Mais certains remettent en cause le fait que seule la technologie soit au cœur de ces transformations.
Le week end dernier se tenait dans le New Jersey la conférence The maintainers, qui avait pour objectif de mettre en valeur tous les autres composants de la chaine de l’innovation, en particulier toutes ces personnes qui assurent la maintenance, et aussi de remettre en cause les avancées réelles que la technologie permet. De nombreux scientifiques, sociologues, historiens, ingénieurs, artistes et activistes étaient présents.
Lee Vinsel, professeur assistant de sciences et technologies au Stevens Institute of Technology, est un des pourfendeurs de cette bien-pensance actuelle, et l’un des organisateurs de la conférence. Il pense que «dans une culture qui a tendance à oublier les inégalités de salaire et l’usure des infrastructures, de tels discours sur le changement technologique permanent peuvent être vraiment dangereux». Selon lui, il suffit d’aller à la Sillicon Valley pour observer les écarts de salaires pratiqués et les inégalités hommes-femmes. Ou encore d’observer les problèmes d’infrastructures aux Etats Unis, où des récents accidents de trains, de métro, et de contamination de l’eau potable sont au centre de débats publics.
Au cours des différentes sessions de la conférence les visiteurs ont pu suivre des présentations sur, par exemple, comment de nombreux désastres humains étaient dus à des défauts de maintenance d’infrastructure sur de longues périodes ; sur l’importance de la propreté dans les milieux industriels (Discipline and polish : on wiping and wipers) ; ou sur le sexisme et comment certaines inventions ont augmenté les corvées domestiques pour les femmes.
Pour ces chercheurs, les « maintainers » (ceux qui assurent la maintenance) font beaucoup plus que les visionnaires, car la majorité du travail dans notre culture n’est pas centrée sur l’invention de nouvelles choses mais sur le fait de maintenir les choses telles qu’elles sont. Ce que veulent dire ces chercheurs, c’est que dans la mécanique industrielle et technologique actuelle, chaque rouage compte. Et tous ces rouages sont endossés par ceux qui sont sous-payés et rendus invisibles du champ médiatique. Ils n’ont rien contre les visionnaires, mais ils pensent que les « maintainers » – les ingénieurs, techniciens, nettoyeurs ou encore réparateurs – font beaucoup plus qu’eux. Si leur travail est dévalué, les idées innovantes ne peuvent libérer tout leur potentiel.