On ne peut pas ne pas en avoir entendu parler. Certains voient dans la blockchain la plus grande révolution technologique à venir après internet. Elle est techniquement complexe, ce qui fait parfois dire qu’on n’y comprend rien. Pourtant, son potentiel « disruptif » est très clair, et remet en question certains principes.
Accroitre les libertés individuelles
La blockchain est l’une de ces technologies de rupture, libertaire, qui promettent de créer de nouveaux systèmes ayant pour but d’accroitre les libertés individuelles, et de promouvoir l’autonomie. Elle poursuit en cela les mouvements de décentralisation et de désintermédiation que l’internet a initiés. On pense à iTunes, Deezer ou Spotify qui ont détrôné les ventes de CD, à Uber qui a bouleversé le secteur des transports privés, ou encore à Airbnb celui de l’hôtellerie.
Une alternative aux systèmes financiers traditionnels
En 2009, dans un contexte de crise financière, de rupture de confiance dans les Etats, dans les banques et dans les monnaies, un anonyme connu sous le pseudonyme de Satoshi Nakamoto, propose une alternative aux systèmes financiers traditionnels. Il crée le bitcoin, une monnaie numérique qui s’échange de pair à pair, sans banque. Pour la faire fonctionner, il crée le protocole informatique de la blockchain. Il n’appartient à aucun pays, gouvernement ou banque, mais à tous ses utilisateurs. De nombreuses autres crypto-monnaies ont été créées depuis sur ce modèle : Ether, Golem, Bancor, Top Coin, Ripple, et Litecoin, pour n’en citer que quelques-unes.
En quoi est-ce une révolution technologique ?
Car elle repousse les limites de l’internet et va bien au-delà de la création de monnaie. Grâce au web, on peut s’échanger de l’information : images, textes, vidéos, sons. Avec la blockchain, on peut désormais s’échanger des valeurs : argent, points de fidélité, billets de train, actions, votes, etc. Aujourd’hui, pour s’envoyer ces valeurs, on a recours à des intermédiaires : des banques, des gouvernements, des notaires, etc. Mais ces organisations sont faillibles – lors de crises financières pour les banques, ou encore de régimes instables pour certains gouvernements. C’est là que la blockchain révolutionne les usages, car elle permet aux individus de se faire confiance, c’est à dire de s’échanger de la valeur, de manière sécurisée et transparente, de pair à pair, sans intermédiaire.
A quoi sert la blockchain ?
Ses usages sont multiples. Par exemple elle sert :
À simplifier la gestion des droits d’auteurs. En enregistrant les droits et œuvres des artistes musicaux dans une blockchain, les éditeurs peuvent leur garantir une complète transparence, et ainsi leur assurer les rémunérations auxquelles ils.elles ont droit.
À accélérer, sécuriser, et réduire le coût des transactions bancaires. De nombreux établissements financiers multiplient les initiatives pour exploiter le potentiel de la blockchain. C’est le cas de ce consortium de huit banques, dont Natixis et la Société Générale, qui prévoient de commercialiser au printemps 2018 une solution de financement du négoce basée sur la blockchain.
À développer des micro-réseaux décentralisés de production, de consommation et de partage d’énergie entre voisins, comme dans la ville de Confluence près de Lyon (Premier projet français de blockchain dans l’énergie, La Tribune, 09/10/2016).
À rééquilibrer l’accès aux ressources. Par exemple, elle permet à 2 milliards d’individus non bancarisés (selon la World Bank) d’avoir accès à des services financiers.
À garantir des titres de propriété. Au Ghana, 90 % des terres agricoles ne sont pas enregistrées dans une base de données officielle (La blockchain pour les entreprises, BCG et le Medef, 06/2017). Aujourd’hui, l’ONG Bitland peut, grâce à une blockchain décentralisée, certifier l’existence des titres de propriété.
À prévenir la distribution de faux médicaments. Dans certains pays, sept médicaments vendus sur 10 sont des contrefaçons (selon l’OMS). Pour y remédier, la start up française Blockpharma a développé une solution blockchain de traçabilité des médicaments et de lutte contre la contrefaçon.
Mais la blockchain remet en question la gouvernance …
Car elle introduit un changement de paradigme : toute ambivalence humaine est abolie puisque c’est le code informatique qui fait loi, via les « smart contracts » (l’éxécution automatique d’un contrat passé entre deux ou plusieurs individus souhaitant réaliser des transactions). Dans ce contexte, l’exactitude absolue règne. Pour Hubert de Vauplane, avocat, spécialiste de la blockchain, « dans le monde juridique, il y a toujours plusieurs solutions pour résoudre un problème. La blockchain n’en connait qu’une, qui s’applique automatiquement, sans contestation ni discussion » (La blockchain va-t-elle révolutionner le droit ?, Les Discussions du soir, France Culture, 27/10/2016). Cela remet en question la notion de gouvernance humaine : peut-elle être remplacée par le code ? Pour Oriane Esposito, Responsable éditoriale de L’Atelier BNP Paribas, la question ne se pose pas « car on déplace ici la confiance des intermédiaires vers la technologie et de la technologie vers… de nouveaux intermédiaires, les algorithmes. Et qui se cache derrière les algorithmes ? L’homme. La boucle est bouclée » (Ces nouveaux intermédiaires qui se cachent derrière la blockchain).
… Et elle n’est pas très rapide, et pas très écolo
Pour valider une transaction en cryptomonnaie, il faut une grande puissance informatique, très consommatrice d’électricité. Selon the Digiconomist, une seule transaction en bitcoins peut utiliser autant d’énergie qu’un foyer en une semaine. Par ailleurs la blockchain ne peut valider que 7 transactions par seconde (le réseau de télécommunications Visa peut en effectuer 2000 à la seconde). Mais sur ces deux points, cela pourrait évoluer, avec par exemple l’algorithme « Hashgraph » développé par la start up américaine Swirlds. 50 000 fois plus rapide que le bitcoin, il est capable de réaliser plus de 250 000 transactions à la seconde, et il consomme beaucoup moins d’énergie.
Comme toute nouvelle technologie, la blockchain est source de nouveaux questionnements, mais aussi pleine de promesses. Il s’agit aujourd’hui de définir la vision du monde qu’elle propose. Pour Primavera de Filippi, chercheuse au CNRS et à l’Université d’Harvard « il faut accompagner cette innovation avec un nouvel état d’esprit, effectuer une révolution culturelle dans nos modes de vie et de pensée, afin de transformer cette innovation en progrès. Pour aller vers une société axée sur les valeurs de partage et de collaboration » (La Digital Tech Conference organisée par La French Tech Rennes St Malo, 08/12/2017).