L’ambition des transhumanistes est d’ « augmenter » l’homme de demain, afin de, grâce aux technologies, démultiplier ses capacités mentales et physiques, et éradiquer sa vulnérabilité aux maladies.
Le transhumanisme est une idéologie qui s’est développée dans les années 1970 en Californie, au sein d’un mouvement de contre-culture qui considérait que l’homme, après avoir transformé son environnement, était voué à se transformer lui-même. Ce mouvement, qui suscitait des opinions très polarisées, remettait en question la vision même de l’homme et de son avenir dans le futur.
Pour Marc Roux, Président de l’Association Française Transhumaniste, il est difficile de défendre le transhumanisme en France car il en a été fait un portrait unique, très réductionniste, voire parfois caricatural. On en a retenu le caractère libéral, libertaire et individualiste, tel qu’il était présenté à l’origine par le mouvement né en Californie. Ce mouvement parlait d’immortalité, d’eugénisme, et de suppression de la souffrance. Alors que les transhumanistes aujourd’hui prônent l’amortalité, c’est-à-dire de réduction des souffrances involontaires que sont par exemple les maladies et le vieillissement. C’est désormais le terme de « techno progressisme » qui définit le mieux le transhumanisme. Il renvoie à la volonté de faire progresser l’humain par la technologie, et a pour principe de remettre la question sociale au centre des préoccupations, afin de s’interroger sur les risques sanitaires et environnementaux du transhumanisme.
Marc Roux note que la majorité des penseurs du transhumanisme sont en fait à l’opposé de l’image qu’on leur accole France. Cette image négative est pour lui un héritage malheureux des premières intentions du mouvement, aujourd’hui complètement dépassées.
A quoi ressemblera l’homme augmenté
Toutes les parties du corps humain sont concernées…Par exemple :
Les yeux. L’Institut de la vision à Paris travaille actuellement à pouvoir transférer le génome d’une algue aux neurones de patients déficients visuel, afin de pouvoir redonner la vue à des non ou mal voyants.
Le sang. L’entreprise de biotechnologie marine Hemarina utilise des vers marins afin de créer du sang synthétique, et ainsi mettre fin aux pénuries de sang dans les hôpitaux.
Les os et articulations. La modélisation médicale et l’électromécanique vont servir à créer des prothèses bioniques pour traiter de nombreux handicaps. Avec par exemple la création d’une main artificielle capable de rendre le sens du toucher.
Les organes vitaux. Pour pallier au manque de dons d’organes, l’exploitation des cellules souches issues d’embryons permettrait, à l’aide d’imprimantes 3D, de fabriquer des organes qui ne contiendraient pas de risque de rejet par le système immunitaire du corps. Ces sujets sont très controversés, et très encadrés en France pour des raisons éthiques.
Les cellules. Les recherches sur les mitochondries, organistes présents dans les cellules, visent à créer des médicaments contre le développement de maladies dues à l’âge, dont le cancer.
Le problème n’est pas le transhumanisme …
Il y a de nombreux fervents opposants au mouvement transhumaniste. Miguel Benasayag, chercheur en épistémologie, anthropologue, et psychanalyste, lui, n’est pas technophobe et il ne se pose pas la question de savoir si les transhumanistes sont des allumés ou pas. Pour lui, se préoccuper uniquement d’eux serait une erreur.
Miguel Benasayag pense que la science, avant de travailler à la construction d’entités post organiques, c’est-à-dire d’hommes augmentés, devrait surtout se demander :
Dans quelles mesures ces recherches seront bénéfiques pour l’homme ? Il prend l’exemple d’études ayant démontré que le cerveau évolue en fonction des sollicitations de son environnement. Par exemple, les chauffeurs londoniens qui n’utilisent pas de GPS, disposent d’une aire cérébrale de stockage des représentations spatiales plus volumineuse que celle de chauffeurs de taxis parisiens travaillant avec un GPS. Les scientifiques en ont conclu que le cerveau pouvait déléguer certaines de ses fonctions à la machine, et qu’il s’en trouvait donc diminué.
Doit-on envisager de tout déléguer à la machine ? Il existe beaucoup de fonctions, liées au fonctionnement dynamique du vivant, qui ne sont pas transférables à la machine. Par exemple, la pensée est liée à la matière, à l’état du corps, à une situation, à des affects, et en cela elle n’est pas reproductible digitalement. Certains chercheurs ne font pas cette différence entre l’humain et la machine. L’hybridation homme-machine ne peut donc se faire pour le moment qu’au dépend du mieux-être du vivant, qui est pourtant l’objectif même du transhumanisme.
Pour Miguel Benasayag, il y a donc un manque cruel de réflexion sur la singularité du vivant, et de connaissances sur son fonctionnement organique. « L’actuel déploiement d’une immense puissance technologique est malheureusement capturé dans un imaginaire de dérégulation, privé de toute sagesse », et pour lui, c’est dangereux.